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Yohann Agrebbe

Programmeur Unix/C++ en freelance

Blog

La différence entre un programmeur et un développeur

Les termes « programmeur » et « développeur » sont assez interchangeables, dans les conversations du quotidien aussi bien que dans les discussions entre experts. Pourtant comme il existe deux mots, on pourrait en profiter pour leur associer des connotations spécifiques, d'ailleurs il existe déjà une petite différence entre eux : Le programmeur est un peu tombé en désuétude, tandis que le développeur est mieux considéré.

Programmeur et geek dans l'ancien monde

Pour établir une distinction plus pertinente on peut observer l'évolution des usages, le métier de programmeur était plus souvent évoqué à une époque où internet n'existait pas ou peu, et où le numérique cotoyait encore des supports magnétiques, tels que les cassettes VHS. Au même moment dans le monde anglo-saxon, le qualificatif « geek » était une insulte à destination des barbus convexes et des maigrichons à lunettes en décalage avec la société, du genre à passer volontairement leurs journées au fond d'une cave, en pianotant sur un clavier bruyant devant un tube cathodique, assis sur une pile de mangas, et entourés par divers paquets de sucrerie. En somme, le geek était cet adulescent fuyant les activités de plein air, qui se privait du bronzage et de la drague, il s'agissait typiquement de l'évolution du garçon bizarre dont on se moquait en classe à l'école. Toutefois, le lien entre « programmeur » et « geek » n'était pas systématiquement présent dans les esprits.

Geek vs Nerd
Développeur ou nerd dans le nouveau monde

Aujourd'hui les choses ont bien changé, tout le monde s'est mis aux jeux vidéos depuis une paire de décennies, tout le monde commence à passer le plus clair de son temps sur les technologies de l'information, et une personne branchée peut enfin devenir une idole vidéoludique. D'ici à ce que tout le monde se mette à apprendre à parler japonnais pour imiter ses héros favoris dans les mangas, n'y a-t-il plus qu'un pas ?

Ces transformations sociales ont largement dédiabolisé le geek, chacun se reconnaissant un petit peu dans le personnage. De plus, le monde a aussi pris conscience que les développeurs ont un avantage de taille : Ils gagnent de l'argent, beaucoup d'argent, les entreprises leur mangent dans la main. Or une personne devient très belle quand on réalise qu'elle est riche et qu'elle a du pouvoir, on tombe amoureux d'elle, on l'admire et on la jalouse un peu. Pourtant dans passé, les programmeurs n'étaient pas forcément moins bien rémunérés qu'actuellement, leur profession pouvait être liée à une qualité d'ingénieur très reconnue. Mais la société était aussi moins pragmatique et les clichés n'étaient point encore rarement plus forts que les réalités économiques.

Fatalement, l'image du geek étant devenue celle d'un technophile désirable, bien intégré, et les métiers dans la réalisation informatique étant côtés, une frange de la population aux allures de jeune cadre dynamique a choisi de s'intéresser au domaine en vue d'y entreprendre une petite personnalisation, pour le meilleur et pour le pire. C'est ainsi que, le visage lisse orné d'une barbe bien taillée, ni trop longue ni trop courte, portant une chemise cool à larges carreaux et un bonnet en toute saison, la trottinette électrique repliée sous le bras, préparant chaque matin la petite réunion du « daily » où l'on relate sa journée de travail de la veille en prenant bien soin de démontrer à quel point la performance était au rendez-vous, présentation PowerPoint à l'appui, trayant sans relâche la machine à café et astiquant régulièrement le baby foot, ces nouveaux geeks de startup sont devenus les « développeurs ».

Le développeur est alors relativement similaire au programmeur, mais il est plus « hype » que ce dernier, car il est aussi doté d'une compétence en PowerPoint.

Voyons, cette distinction a quelque chose de très satisfaisant, sauf qu'il lui manque quelque chose, on le sent bien. Et pour débusquer des petites subtilités additionnelles, il suffit de revenir à l'ancienne vision du geek, celle négative, car elle existe toujours dans la culture contemporaine sous un autre nom : On parle maintenant de « nerd ». Mais cette fois l'image de l'ordinateur rafistolé donne un aspect un peu vieillot au nerd, à l'ère des tablettes et smartphones, ce qui n'est pas sans appuyer sur le caractère péjoratif qui lui est associé. Néanmoins, la technicité liée à la manipulation du matériel informatique rappelle directement le domaine industriel, ce qui peut évoquer une scientificité flatteuse, une forme de compétence à l'ancienne, devenue rare et qui se vend bien. Cela permet de redorer le blason du nerd en dépit de son aspect vieille école, et par extension, de réhausser la notion de programmeur qu'on lui associe facilement.

Une distinction à réinventer

Au fond, il est inutile de hiérarchiser les professions de développeur et de programmeur, sachant que cette dernière ne trouve plus personne pour la revendiquer aujourd'hui, elle est trop souvent considérée comme inclue dans la première. Mieux vaudrait se baser sur le regroupement des considérations exposées ci-avant pour proposer une redéfinition des termes, avec une distinction plus utile :

Le premier serait donc adepte des technologies grand public, de la mode et du développement web, tandis que le second serait du genre à taper au clavier des lignes de commandes dans un terminal austère, dont il serait l'un des derniers humains à connaître le fonctionnement, mais dont certaines entreprises ne sauraient se passer.